XI'AN, CAPITALE ÉTERNELLE DE LA CHINE

Un coup de maître du musée de la civilisation à Québec

Pour le jeune Musée de la civilisation, à Québec (MCQ), dans cette jeune ville de 400 ans, c'est un véritable coup de maître ! La super exposition de Chine qui vient juste de s'ouvrir couronne le jumelage Xi'an-Québec, à peine officialisé depuis huit mois. Pas moins de 130 artefacts savamment bien présentés.

Xi'an a été le centre névralgique de l'Empire du milieu pendant plus de 1200 ans. Les cinq fameux guerriers de terre cuite, grandeur nature, qui vous attendent au MCQ datent de 2200 ans. C'était l'époque du premier empereur Qin Shihuangdi. Comme nous le soulignait, l'automne dernier, le guide touristique à Xi'an, " ce carrefour interculturel, sur la Route de la soie, a été une des premières métropoles cosmopolites au monde, deux millions d'habitants ".

Dans l'entourage du maire de Québec, Jean-Paul L'Allier, on nous assure qu'il est très sérieux concernant la coopération avec la " capitale éternelle " : " Une ville d'un demi-million de population qui s'allie à une agglomération de presque 7 millions, dans un pays à l'économie qui lève, c'est une bonne affaire ", me déclare-t-il lors de l'inauguration du 4 décembre 2001. Coup de maître, parce que Québec n'en était qu'à sa deuxième expérience en muséologie avec la Chine. Il y a cinq ans, Roland Arpin, alors directeur général du MCQ, a décidé de mener à bien l'ambitieux projet de Xi'an.

Le professeur Robin Yates a aidé à la sélection des 130 trésors et à la présentation, style " aventure humaine ", des quatre grandes dynasties représentées là. Spécialisé en histoire et en archéologie, principalement dans cette région de Xi'an, le sinologue de l'Université McGill s'est vu confier l'alléchant mandat lorsque, du MCQ, il y a deux ans, le responsable Dany Brown lui a fait part de ses premières " orientations ". L'historien Robin Yates a déjà travaillé avec le sinologue britannique Joseph Needham, le plus éminent spécialiste occidental des sciences en Chine. À Harvard, il a aussi étudié avec l'archéologue Chang Kwang-chih, autre atout qui lui mérita la confiance de ses homologues en Chine.

Nous le rencontrons chez lui, dans une pièce généreusement éclairée, au centre-ville de Montréal, quelques heures avant le coup de minuit du Jour de l'An. Peu importe les fêtes, la passion juvénile brille dans ses yeux. Amabilité et modestie. Même pas une tasse de thé chinois pendant plus de deux heures pour ne pas nous distraire. Dans un français impeccable, il passe d'une fiche technique à l'autre.

Ils ont d'abord envoyé une liste d'objets, avec photos, et l'on nous donnait la possibilité d'en changer un certain pourcentage. Pour respecter la loi chinoise, il y avait aussi une limite imposée aux objets du " premier grade " qu'on pouvait faire sortir. En juin 2000, Dany Brown et Robin Yates sont allés passer une semaine à Xi'an. Il y a eu en tout cinq missions sur le terrain et François Tremblay du MCQ insiste sur " la patience ".

Comment caractériser les négociations, si on peut employer ce terme ? Pas de communication rapide d'un pays à l'autre, ni jamais de cellulaires. Respect obligatoire de la hiérarchie. Pas tellement de guanxi, de contacts personnels, comme on pourrait le croire. Pas beaucoup de temps pour réagir d'une étape à l'autre, donc plusieurs surprises. Et le problème constant des langues, sauf pour Robin Yates, parfait trilingue.

Les yeux toujours pétillants, Robin Yates exprime quelques regrets. " Nous aurions aimé offrir au public un catalogue, des cartes postales et un guide audio, mais nos démarches n'ont pas abouti. Puis, il n'y avait pas un seul journaliste anglophone lors de l'ouverture officielle. " Grande consolation : les trésors seront là pendant neuf longs mois, jusqu'au 2 septembre 2002.

L'impact du 911 à New York, seulement deux mois avant la livraison de la précieuse cargaison ? " Nous avions défini quelques requêtes prioritaires, comme un vase Ming, l'archer à genoux ainsi que le cheval de cavalerie. Malheureusement, le 911 a fait qu'on a perdu le cheval. L'avion devait passer par New York et le contenant était trop volumineux. "

La plus importante exposition chinoise au Canada remonte à 1974, à Toronto, lorsque le Royal Ontario Museum a fait venir près de 400 artefacts dont un célèbre linceul de jade et le magnifique cheval volant de bronze du Gansu. C'était l'année de l'extraordinaire découverte à Xi'an. Puis, avec " Trésors et splendeurs " de Chine, le maire Jean Drapeau a été le premier à faire venir ici des guerriers de terre cuite, en 1986, au Palais de la civilisation. Dix-sept guerriers de Xi'an ont été prêtés à Taiwan pendant trois mois en 2000-01; pour 124 objets, il a fallu offrir 35 millions $ US en assurances.

Le 4 décembre, Robin Yates, décontracté en apparence, a comme mission particulière d'expliquer et de justifier toutes les décisions de l'équipe de Québec qu'a dirigée la chargée de projet, Pauline Beaudin. Parmi les visiteurs de Xi'an se trouve le directeur Wang Changqi, spécialiste de l'art. Il est agréablement frappé par l'exposition et le design, surtout pour les sculpture bouddhiques. " Ce soir-là, je n'ai pas dormi parce que je n'arrêtais pas de penser à tout ce que j'aurais pu ajouter comme explications et détails ", de dire l'historien de McGill, auteur de toutes les vignettes - présentées en trois langues.

Ce soir-là, dans la " vieille capitale ", au milieu d'un Forum économique de trois jours qui réunit près de 200 participants, il y a de quoi être fier devant les 70 délégués de Xi'an et de Changchun. Je lance au maire L'Allier : " Quand Pierre Bourque va savoir que vous avez tous ces trésors à Québec, il va être jaloux ? " Et Jean-Paul L'Allier de répondre, avec un sourire narquois : " Pas grave ! Il a encore quatre ans pour réfléchir à sa revanche ! "

Calgary, autre ville jumelée avec Xi'an, était intéressée à présenter l'exposition, mais les coûts sont trop élevés. C'est maintenant Denver qui envoie ici ses spécialistes en janvier pour voir si c'est possible. L'espoir de publier un catalogue n'est peut-être pas mort ?


Une civilisation en 130 chef-d'oeuvre

Le conseil le plus judicieux à donner au voyageur réel ou imaginaire, fasciné par la civilisation chinoise, c'est de le diriger d'abord jusqu'aux vastes fosses de Xi'an. Bien sûr, la Grande muraille a déjà capté notre imaginaire. Les tombeaux Ming sont obligatoires. Il y a la Cité interdite. Mais la folie des grandeurs du premier empereur, Qin Shihuangdi, à la fois tyran et génie, avec les 7000 statues de terre cuite plantées là pour garder son tombeau, c'est la huitième merveille du monde.

Au Musée de la civilisation de Québec, cinq spécimens parfaits de cette armée funéraire se présentent en public, sans le moindre verre de protection, pas de reflets inutiles. Seulement leur armure. Une proximité tout à fait voulue. Pour le plaisir des yeux et de l'esprit. Cinq individus distincts. Cinq coiffures différentes. Le regard de ces sentinelles deux fois millénaires interpelle un à un le visiteur s'apprêtant à remonter dans le temps, d'une salle à l'autre.

De plus, d'entrée de jeu, on est déjà sous l'influence du fin regard du photographe québécois Michel Boulianne qui nous présente son " Xi'an contemporain " . Une mise en situation par une trentaine de panneaux couleurs dans les rues de la capitale du Shaanxi. La vie quotidienne, l'activité urbaine, et même la campagne environnante. Comme si vous étiez en Chine!

Les objets-vedettes des dynasties Zhou, Qin, Han et Tang? Fin prêt, en entrevue, le conseiller scientifique Robin Yates exhibe une liste de 20 chefs-d'œuvre. L'esthétique, oui. Mais tout aussi important, le symbolisme de chaque artefact. Un effort constant pour toucher aux multiples facettes de cette civilisation. Ainsi, le pénis de pierre, objet de vénération pour les Chinois, rappelle la puissance générative des ancêtres. Ce vestige néolithique, antérieur à 1500 av. J.-C., est prêté pour la première fois à l'étranger.

Après une excursion touristique aux célèbres grottes de Longmen, province de Henan, il est intéressant de revoir de très près les sculptures bouddhiques, exposées dans la plus grande sobriété des murs gris. Un vases rituel rappelle les bronzes du Musée de Shanghai. Originalité Han : un couple de petits cochons de jade. L'élégance de femmes rondelettes donne une idée du raffinement de l'époque Tang.

Enfin, simple conseil : pour mieux profiter d'une telle visite, voir auparavant la page web du Musée de la civilisation, www.mcq.org, et essayer de aussi de fureter sur les différents portails consacrés à la ville de Xi'an.
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